Jean Costé, l’ancêtre

par Jacqueline, François et Stéphane Côté

Notre ancêtre Côté fait partie des 80 pionniers et fondateurs de la ville de Québec et de ses environs. Il devient du reste l’un des huit premiers agriculteurs de Beauport. La date de son arrivée demeure inconnue. Les chercheurs s’entendent pour la situer en 1634-1635.

D’origine inconnue, certains le croient venu de Normandie d’autres de Mortagne au Perche, en France. La date de sa naissance reste également inconnue1. D’origine modeste, Jean Côté n’eut pas la chance d’apprendre à lire : plusieurs documents notariés mentionnent qu’il ne sait ni écrire, ni signer.

Son mariage
Peu de temps après son arrivée au pays, à l’église Notre-Dame de Québec, Jean épouse Anne Martin, le 17 novembre 1635. C’est le missionnaire jésuite Charles Lalemant qui bénit leur mariage. Il s’agit du 6e ou 7e mariage célébré en Nouvelle-France2.

Anne Martin
Comme Jean Côté, les origines françaises d’Anne Martin restent inconnues. Certains prétendent qu’elle est la soeur d’Abraham Martin. D’autres avancent qu’elle est la fille de Galeran Martin, un veuf qui habite la seigneurie de Beauport à l’époque. Est-elle arrivée en Nouvelle-France en 1634 ou en 1635 ? Aucune preuve ne permet de choisir. Elle est morte et inhumée les 4 et 5 décembre 1684 à Québec.

Sa famille

  • Louis – baptisé le 25 octobre 1635, marié à Élizabeth Langlois en 1662 ;
  • Simone – baptisée le 09 décembre 1637, mariée à Pierre Soumandre en 1649 ;
  • Martin – baptisé le 12 juillet 1639, marié à Suzanne Pagé en 1667 ;
  • Mathieu – baptisé le 06 juillet 1642, marié à Élizabeth Gravel en 1667 ;
  • Jean – baptisé le 25 février 1644, marié à Anne Couture en 1669 et àGeneviève Verdon en 1686 ;
  • Noël – baptisé le 04 mai 1646, marié à Hélène Graton en 1673 ;
  • Marie – née et baptisée les 11 et 12 janvier 1648, décès et sépulture le25-01-1648 ;
  • Louise – née et baptisée les 10 et 18 avril 1650, mariée à Jean Grignon en16633.

Les cinq fils auront des terres sur l’île d’Orléans, quatre s’y établiront.
Simone vivra à Québec et Louise à La Rochelle en France.La famille Côté devient donc, en 1635, la 10e famille à vivre et habiter en Nouvelle-France. Les neuf premières sont : Hébert (1617), Martin (1619), Desportes (1619), de Champlain (1620), Couillard (1621), Langlois (1634), Giffard (1634), Hébert (1634) et Bourdon (1635)4.

Ses propriétés :
À Québec
Le 26 août 1636, le gouverneur Montmagny lui concède une terre d’un arpent de front sur l’actuelle Grande-Allée à Québec5. L’ancêtre Jean n’habitera probablement jamais cet emplacement qui s’étire jusqu’au fleuve. Jean devient néanmoins, à ce moment, le premier particulier, en dehors de la famille Hébert-Couillard, à recevoir une terre en roture (propriété non noble)6.

Cette terre se situe vers l’actuelle tour Martello, dans le parc des Champs de Bataille. Ses voisins sont à cette époque les frères Charles, Jacques et Thomas Sevestre, lesquels y ont un cheptel dès 16407. Puis, Jean Côté vendra ce terrain de la Grande-Allée à Antoine Leboesme dit Lalime, maître arquebusier : il en obtiendra 300 livres, montant relativement important qui suppose que l’ancêtre Côté aura peut-être travaillé cette terre avant de la vendre8. Cet argent lui sera versé en marchandises provenant du magasin de la Compagnie des Habitants. Le 11 août 1652, le notaire Godet fait mention de cette terre située sur la « grande route qui va de Quebecq au cap rouge ».



À Beauport
Dès 1635, l’ancêtre Côté se fixe sur une terre qui appartient au sieur Robert Giffard de Beauport. Ce dernier lui concède d’abord verbalement ledit emplacement. Jean Côté devient ainsi l’un des huit premiers défricheurs de toute l’histoire de Beauport. La terre de l’aïeul Côté, située entre celle de Zacharie Cloutier et celle de Noël Langlois, se trouve entre les rivière Beauport et Montmorency, assez près de la chute du même nom.

Il reçoit les papiers officiels, des mains de Giffard, le 5 février 1645. Le notaire Tronquet, de Québec, prend note de la concession. Les terres en question font trois arpents de front sur le fleuve par 126 de profondeur, un domaine (plus de 375 arpents de superficie).


À Québec

Un peu plus tard, vers 1642, l’ancêtre Jean Côté reçoit en concession un emplacement de 150 pieds par 60 de profondeur à la Haute-Ville de Québec, terrain et maison évalués à 450 livres. Cet emplacement, numéroté 11, donne directement sur l’actuelle rue du Trésor et est bordé par la rue Buade. Il s’agit aujourd’hui du terrain sur lequel se retrouvent notamment Le Café Buade.

En 1645, l’aïeul Côté possède donc l’une des 30 maisons à être construites dans la ville de Québec. L’un de ses voisins immédiats est un certain Noël Morin. Ses autres voisins de la Haute-Ville à la même époque sont : la famille Hébert-Couillard; Madame de la Peltrie, qui habite une maison de pierre; un certain Chavigny de Berchereau; Antoine Brassard, Pierre Legardeur de Repentigny ; Jean Bourdon9.

Jean Côté n’habitera cette maison que très périodiquement. Il la vendra à son futur gendre Pierre Soumandre et à sa fille Simone. L’acte notarié du 15 novembre 1649 fait mention qu’il vend et donne sa maison « sise à Quebecq, joignant d’un costé les terres appartenantes à l’église parochialle du dit Quebecq et dautre costé a la maison et terre appartenantes à Martin Boutet ». Jean Côté cède au couple ladite maison au prix de 300 livres, leur faisant donc cadeau des 150 livres de différence. En 1655, le couple Soumandre-Côté revendra cette propriété et cet emplacement à Jacques Boëssel.

L’amitié – la solidarité
Au commencement de la colonie, vers 1650-60, les Iroquois font une guerre presque sans trêve aux colons, ceux-ci étant constamment exposés aux incursions de quelques bandes. Il n’était pas rare qu’un habitant se fasse attaquer lors du travail au champ et même dans sa propre maison. Il s’agissait donc de ne pas s’éloigner les uns des autres afin de faire face à toutes les éventualités.

C’est notamment dans ce contexte que des liens d’amitié se développent entre les voisins Jean Côté et Noël Langlois, ce dernier conviant le premier à loger près de lui jusqu’à ce que la paix revienne10. Langlois louera, cinq sols par année, une portion de sa terre pour ériger une maison afin d’y loger la famille Côté. La paix revenue, Jean Côté se retirera sur ses terres un peu plus loin, abandonnant notamment l’habitation et le bout de terre donnés par Langlois.

Un homme d’affaires – un ami
Le 21 juillet 1641, lors de mauvaises récoltes, Jean Côté et son ami Noël Langlois s’engagent à fournir 500 bottes de foin à la Compagnie de la Nouvelle-France pour la somme de 80 livres tournois. Dans le contrat
rédigé par le notaire Piraube, on insiste pour que le foin soit livré dans un mois ou aussitôt que faire se pourra11.

Sa mort – son inhumation
Jean Côté décède, à Beauport, le 27 mars 1661. Il est inhumé à Québec le lendemain de son décès. Fait remarquable, son corps est inhumé sous l’église de Québec. Il sera parmi les 900 personnes ainsi honorées et qui dorment dans les caves de l’actuelle église Notre-Dame de Québec12. Son acte de sépulture se lit comme suit : « Lan 1661, le 28 mars a esté enterré dans l’Église Jean Costé ancien habitant de ce pays mort le jour précédent en sa maison ».

Sa succession
À sa mort, il laisse ses avoirs à Anne Martin, sa femme, laquelle lui survivra pendant plusieurs années puisqu’elle décédera en 1684, à Québec. À son décès, les enfants issus de son mariage avec Jean Côté hériteront des terres et des biens familiaux. Ils vendront la terre de Beauport à André Parent et à Marguerite Côté, fille de Martin Côté, un des fils de Jean.

Sa postérité
Le parcours de Jean Côté paraît surprenant considérant le milieu fermé et restreint de l’époque : de simple engagé en 1635, il devient, après quelques années, maître de ses terres, propriétaire de quelques maisons et promu à la bourgeoisie. Dès la seconde moitié du 17e siècle, la famille de l’ancêtre Jean Côté est très considérée à l’Île d’Orléans, notamment parce qu’elle est l’une des premières familles à avoir élu domicile en ce lieu (dans les actuelles municipalités de Saint-Pierre et de Sainte-Famille).

Sa mémoire
Un monument a été érigé en la mémoire des premiers colons de Québec (1617-1636). Sur une plaque, les noms de Jean Côté et d’Anne Martin figurent parmi les noms des 47 hommes et 47 femmes qui ont posé les premières pierres de Québec. Sur ce monument se trouve une plaque sur laquelle apparaissent les noms de Jean Côté et Anne Martin à titre de fondateurs de la ville de Québec. Situé dans le parc Montmorency coin Côte de la Montagne et rue des Remparts derrière l’actuel petit Séminaire, ce monument rappelle la mémoire des Européens qui ont fait vivre la ville de Québec dès le début du 17e siècle.


Notes
1 Les origines de Jean Côté et de sa femme sont inconnues et le resteront probablement pour toujours. En effet, le 15 juin 1640, la chapelle Notre-Dame-de-Recouvrance s’enflamme emportant en fumée les registres paroissiaux ainsi que tous les documents administratifs de la colonie. Les religieux et les clercs tenteront de reconstituer de mémoire les registres, avec tous les inconvénients que cela implique.
2 Marcel Trudel, Histoire de la Nouvelle-France, 1983.
3 René Jetté, Dictionnaire généalogique des familles du Québec (des origines à 1730), 1983.
4 La femme de Samuel de Champlain n’arrive à Québec pour de bon qu’en 1620. Tiré des différents travaux de Marcel Trudel.
5 Michel Langlois, Les ancêtres Beauportois,(1634-1760), 1984.
6 Marcel Trudel, Histoire de la Nouvelle-France : l’installation du peuplement, 1983.
7 Ibid.
8 Ibid.
9 Marcel Trudel, Histoire de la Nouvelle-France, 1983.
10 Michel Langlois, Les ancêtres Beauportois,(1634-1760), 1984 et Alfred Cambray, Robert Giffard, Premier Seigneur de Beauport et Les origines de la Nouvelle-France, Cap de la Madeleine, 1932.
11 Michel Langlois, Les ancêtres Beauportois,(1634-1760), 1984.
12 Pierre-Georges Roy, Les cimetières de Québec, 1941.

Bibliographie
• Archives nationales du Québec, Pavillon Casault, Université Laval;
C’est-à-dire : actes notariés, archives, contrats, recensements, registres paroissiaux, etc.
• CAMBRAY, Alfred, Robert Giffard, Premier Seigneur de Beauport et Les origines de la Nouvelle-France, Cap-de-la-Madeleine, 1932.
• CÔTÉ, Louis-Marie, Les premières familles françaises du Canada, 1997.
• CÔTÉ, Suzanne et CÔTÉ, Jean-René, Les origines d’Anne Martin et Jean Côté, dans l’Ancêtre, 1999.
• JETTÉ, René, Dictionnaire généalogique des familles du Québec (des origines à 1730), 1983.
• LANGLOIS, Michel, Les ancêtres Beauportois (1634-1760), 1984.
• LANGLOIS, Michel, Dictionnaire biographique des ancêtres québécois (1608-1700) tome I, 1999.
• PRÉVOST, Robert, Généalogie, portraits des familles pionnières, 1994.
• Relations des Jésuites, 1632-1672.
• ROY, Pierre-Georges, Les cimetières de Québec, 1941.
• ROY, Pierre-Georges, La ville de Québec sous le régime français, volume premier, 1930.
• TRUDEL, Marcel, Histoire de la Nouvelle-France, 1966, 1979, 1983.
• TRUDEL, Marcel, Le terrier du St-Laurent en 1674 : de la Côte Nord au lac Saint-Louis, tome 1, 1998.
• TURCOTTE, Louis-Philippe, Histoire de l’Île d’Orléans, 1983.

Photos, illustrations, plans, images, dessins
• Archives nationales du Québec, Pavillon Casault, Université Laval.
• TRUDEL, Marcel, Les terriers du Saint-Laurent, 1998.
• CHARLES, J.F., Les pionniers du nouveau monde, 1990.
• Collection iconographique de la famille de Stéphane Côté.